style

Adepte des métaphores, Toyo Ito a une perception très poétique et imagée de la ville. Il voit le paysage urbain comme un fleuve. Dans un fleuve, se forment souvent des tourbillons d’eaux issus des courants qui s’opposent, pourtant ces tourbillons, faits d’eau, font partie à part entière du fleuve. L’architecture consisterait alors à former ces tourbillons au sein de la ville de manière à la rendre différente, de la dynamiser sans en perdre l’essence.

Ce penchant pour la métaphore et l’image mentale se ressent pleinement dans le travail de l’architecte. En effet, loin de cantonner dans les conventions architecturales, Toyo Ito innove et étonne. Ses sources d’inspiration sont multiples allant de la floraison des cerisiers aux dernières technologies de pointe. Il arrive ainsi à exprimer par le biais de l’architecture ses impressions, ses réflexions sur le monde qui nous entoure. Conscient des problèmes que la société contemporaine subit, chacun de ses projets lui permet toujours d’aborder de nouveaux horizons de réflexion. Il expérimente beaucoup et son style évolue perpétuellement.

On peut partager l’œuvre de Toyo Ito en trois parties, elles-mêmes appelées par l’architecte le « jardin de lumière », le « jardin du vent » et le « jardin des puces électroniques ». Lorsque Toyo Ito parle de jardin, il évoque le fait de ne pas vouloir diviser et structurer l’espace, il veut simplement créer des espaces qui « glisseraient l’un vers l’autre » dans le but de créer une certaine fluidité, cohérence et harmonie.

lumières

Jardin des lumières

La période « jardin des lumières » de Toyo Ito s’étend tout au long des années 70 et correspond aux débuts de l’agence fondée par l’architecte. Elle se caractérise un fort contraste entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Travaillant principalement sur des projets d’architecture domestique, l’architecte considérait que la maison devait être un univers en soi. Une notion d’abri et de rejet de la ville se dégagent fortement. La lumière joue aussi un rôle très important et c’est justement par ce biais que l’architecte exprime durant cette période sa volonté de fluidité et de légèreté La White U représente pleinement cette période.

White U

[White U] White U

La maison était destinée à sa sœur qui venait de perdre son époux. L’architecte avoue avoir avant tout travaillé l’espace plutôt que l’aspect fonctionnel de l’habitation. La forme d’un « u » parfaitement symétrique et déterminé de l’extérieur contraste avec l’impression d’infini à l’intérieur. Elle donne l’impression de se mouvoir dans des tunnels interminables. Il y a comme une dualité entre les murs extérieurs en béton brut qui rendent l’édifice statique et les murs blanc en intérieur qui donne le sentiment d’abstraction spatiale. Quant à l’idée de fluidité, elle se retrouve dans la courbe formée par le « U » et les différents flux de lumière zénithale s’infiltrant dans l’espace intérieur du white u sans être déviée ou stoppée par l’architecture.

Au fil des années, Ito se rend compte qu’il fait preuve d’un certain « maniérisme » – ce sont ces propres mots – il en conclut aussi que l’abri ne peut pas être uniquement un repli sur soi, il s’intéresse alors à la manière de créer une communication entre l’architecture et l’habitant ou l’architecture et son environnement.

vent

Jardin du vent

Durant cette période « jardin des vents », Ito s'intéresse à la notion de légèreté. Travailler l’architecture comme une fine couche, une fine « pellicule », trouvant assez de force pour se distinguer des autres bâtiments sans nuire au contenu de l’architecture. Le milieu dans lequel se dressent les bâtiments devient, pour Toyo Ito, primordial, il s’en inspire pour en tirer la meilleure réponse possible. Des voûtes et des matériaux diaphanes font leur apparition dans le travail de l’architecte pour donner cette impression de légèreté. Les structures deviennent un peu moins massives et plus aériennes. La construction qui est une excellente synthèse de cette période est le musée municipal d’Yatsushiro achevé en 1991

Musée municipal d’Yatsushiro

[Musée Municipal de Yatsuhiro - © washiiii] Musée Municipal de Yatsuhiro

Pour ce projet, des contraintes d’ordre culturel et environnemental étaient imposées à Toyo Ito et son équipe. Le but était de créer une architecture qui, d’une part, ne nuirait pas la visibilité de la villa Shohin-Ken avoisinante et, d’autre part, sur demande de la préfecture, il était primordial de préserver sur le terrain boisé, le plus d’arbres possible. En réponse à cette requête, l’architecte nous offre, un musée doté d’une toiture surélevée composée de différentes voûtes dépassant allègrement de la façade. Cette toiture massive et hors du commun donne l’impression de légèreté, le musée semble doté d’ailes de grande envergure. Autre particularité, les zones de stockage se trouvent au-dessus de la toiture dans une sorte de cylindre opaque, ce qui contraste entièrement avec l’ouverture et la transparence du hall d’entrée, fait de baies vitrées. De plus, c’est sur ce projet que pour la première fois, Toyo Ito intervient sur l’environnement avoisinant, en effet, il a créé une colline artificielle juste devant le musée permettant au visiteur d’avoir une vue surplombante pour admirer le bâtiment d’un autre point de vue. Elle permet aussi de découvrir l’apparence du musée par étapes, car la colline dissimule partiellement l’édifice. La structure reste basse pour ne pas parasiter le parc entourant le musée.

puces

Jardin des puces électroniques

[Caserne de Pompier de Yatsushiro - © Toyo Ito & Associates] Caserne de Pompier de Yatsushiro

Dans les années 90, la phase « jardin des puces électroniques » fait un rapprochement entre la puce électronique et l’architecture. Ces deux notions clés se rejoignent en trois points d’après Toyo Ito : la multiplicité des couches, la fluidité et la phénoménalité .L’architecture est perçue ici comme un outil complexe de travail ou de service permettant de créer des lieux multifonctionnels où les gens se rencontrent, s’amusent et apprennent. Des connexions, des réseaux, des échanges sont créés grâce à l’architecture. Le projet de la caserne de pompiers d’Yatsushiro est un parfait exemple de ce nouvel axe de réflexion architectural.

Caserne de pompiers d’Yatsushiro

Privilégiant l’ouverture avec la courbure d’une de ses façades, cette caserne est tout d’abord multifonctionnelle. Elle est à la fois, lieu de vie, lieu de travail et Ito l’a voulue ouverte et proche de son environnement donc y a rajouté des jardins. Il joue alors avec les contrastes et c’est ce qui fait la particularité de l’édifice. L’ensemble du bâtiment est monté sur des pilotis, ce qui a pour effet d'alléger la structure et cela répond entièrement à la grande façade courbe. Les espaces de vie et les bureaux sont quant à eux placés à 6 mètres de haut sur les pilotis. Cette caserne est clairement composée de couches dans sa structure même. Elle est à la fois fonctionnelle et agréable, elle favorise aussi les échanges. En effet, l’espace est composé d’une telle manière que de potentiels visiteurs peuvent assister à l’entrainement des pompiers : la notion de flux et de phénoménalité se retrouve ici.

Aujourd’hui

Actuellement

Le travail de Toyo Ito s’axe avant tout sur ses découvertes et ses expérimentations faites durant les périodes « jardins des vents » et « jardin des puces électroniques ». Des notions clés récurrentes reviennent constamment : la fluidité, la légèreté, la prise en compte de l’environnement et les couches.

Médiathèque du Sendai

[Médiathèque de Sendai] Médiathèque de Sendai

Œuvre majeure de l’architecte ces dernières années, le bâtiment a reçu un succès retentissant. Ce lieu est complètement adapté au monde urbain moderne. Il est symbiose entre une bibliothèque, un musée et une galerie d’art. Ce bâtiment gomme les frontières et les différences. En effet, il prône l’accessibilité en développant des fonctionnalités et services efficaces pour les handicapés, les aveugles et malvoyants. La façade en verre totalement transparente donne de la légèreté à l’édifice et un côté virtuel, voire immatériel. La structure est telle que la lumière et l’air circulent librement, la médiathèque est composée de 6 plateaux carrés de 2500m2 et sont interchangeables. La flexibilité caractérise vraiment ce lieu. Cette œuvre de Toyo Ito est à l’image de la société qui centralise l’ensemble des données et tend vers le virtuel.